Les femmes-racines

03 mars 2023
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Image de bannière pour l'article "Les femmes-racines", symbolisant la restauration et la valorisation des rôles des femmes au sein des communautés autochtones.

Pour plusieurs communautés autochtones, le long parcours vers la revitalisation des traditions juridiques et des structures de gouvernance passe par la restauration des rôles des femmes au sein de leurs collectivités.  

Avant l’arrivée des Européens, il y avait une énorme variété de modèles de gouvernance qui permettaient de maintenir les sociétés à l’équilibre. Dans plusieurs cas, les structures sociales s’appuyaient sur la solidité du pouvoir féminin. Certaines sociétés, notamment celles qui avaient un mode de vie plus sédentaire, avaient développé des modèles de type matrilinéaire centrés sur la transmission du clan par la mère et l’organisation du noyau familial autour de celle-ci.  

D’autres sociétés autochtones misaient sur l’aspect complémentaire des rôles de genre et sur la nature collaborative des relations entre hommes et femmes. C’était le cas, par exemple, de la plupart des nations algonquiennes au sein desquelles les femmes occupaient des fonctions centrales et essentielles à l’organisation et à la cohésion des groupes à travers les mouvements en territoire.  

Le pouvoir des femmes se manifestait dans la planification des déplacements, dans l’organisation familiale et dans la participation aux prises de décisions politiques. D’ailleurs, les histoires de la tradition orale regorgent d’exemples de l’importance des femmes dans les savoirs liés au territoire, au sacré et à aux médecines traditionnelles.  

Dans certains récits de la création, c’est même par l’action et le souffle d’une femme que la Terre sur laquelle nous marchons a été créée.  

Or, les premiers arrivants Européens qui souhaitaient tirer profit des richesses des territoires traditionnels étaient aveugles à l’organisation sociale des peuples autochtones basée sur la nature complémentaire des forces masculines et féminines. On le constate, entre autres par les écrits des premiers voyageurs, missionnaires et explorateurs pour qui le rôle des femmes est diminué, objectivé lorsqu’il n’est pas carrément ignoré.   

Par la suite, c’est par des mesures officielles que les autorités gouvernementales ont mené le combat contre la féminité autochtone.  Pendant des décennies, on a empêché les femmes de diriger leur communauté et même de voter. Par les effets de la Loi sur les Indiens, le Canada a voulu contrôler avec qui elles pouvaient se marier et avoir des enfants. Finalement, par l’imposition de la fréquentation obligatoire des pensionnats autochtones, les mères, les tantes, les sœurs et les grand-mères n’avaient plus d’enfants auprès de qui jouer ces rôles.  

Le problème c’est que cet effacement de l’importance des femmes, combiné avec ces politiques d’assimilations qui les visaient directement, a contribué à déstabiliser les communautés autochtones de manière dramatique. Pire encore, les politiques coloniales et l’imposition des systèmes de croyances et de valeurs occidentaux ont contribué à créer des conditions favorables au développement d’une image stéréotypée et à une banalisation de la violence envers les femmes et les filles autochtones. Les effets tangibles de cette situation déplorable se reflètent autant dans les statistiques de violence conjugales et les trop nombreux cas de disparition et de féminicide, mais aussi dans la surreprésentation des femmes autochtones dans le milieu carcéral.  

Peu à peu, à mesure que les esprits se décolonisent, les femmes reprennent leur place. Les mères redeviennent des mères de clan, les tantes reprennent leur rôle protecteur, les grand-mères peuvent à nouveau bercer leurs petits-enfants et les voir grandir.  

En outre, de plus en plus de femmes inspirantes s’installent dans des fonctions de direction ou de leadership politique, dans une démarche de réappropriation de ce pouvoir dérobé.  

Depuis, les années 1970, plusieurs femmes autochtones ont manifesté, marché, porté leurs causes devant les tribunaux et brisé des plafonds de verre. Elles ouvrent la voie dans des gestes porteurs de guérison et forment un trait d’union entre un avenir décolonisé et le passé blessé.  

Par leurs actions, nos nations reprennent enfin racine et recommencent à se nourrir de la richesse de nos territoires et de nos cultures millénaires.  

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